Mais que se passe-t-il sur le marché de l’électricité ? Origines et analyse des prix

En cette fin d’année 2021, les prix sur le marché de l’électricité ont bondi, mettant la pagaille sur un marché habituellement stable, impactant ainsi les fournisseurs comme les consommateurs. A cause de la hausse des prix du gaz, mais aussi du mode de calcul du prix de l’électricité, les marchés de l’énergie connaissent des tensions importantes en France et dans toute l’Europe. Explications.

Comment fonctionne le marché l’électricité ?

Le fournisseur achète son électricité au gré des fluctuations du marché. Le client particulier achète son électricité au même prix quel que soit le prix du marché. Le fournisseur est chargé d’assurer un approvisionnement rentable en électricité sur le marché, c’est-à-dire de trouver de l’électricité à un prix inférieur à celui qu’il vend à ses clients.

Donc quand le marché n’est pas cher, le fournisseur peut réaliser des marges. Et quand le marché est cher, certains rencontrent des problèmes. Pour couvrir les pics de prix, les fournisseurs achètent généralement l’électricité à l’avance. Mais dans la situation actuelle, de nombreux fournisseurs avaient anticipé des prix bas du marché et ne se sont pas couverts à l’avance.

Comment est fixé le prix de l’électricité sur le marché ?

Le prix sur le marché est fixé par la source de production la plus coûteuse nécessaire. Ainsi, si l’on a besoin de 500 MW d’électricité produite à partir de gaz, le prix du marché augmentera en fonction du coût de cette source coûteuse.

C’est pourquoi à la base, cette augmentation vient principalement de l’augmentation des prix… du gaz, dont la demande a fortement grimpé avec le retour de l’activité économique, en particulier en Asie – car la demande comme les marchés sont globaux ! Le prix du gaz se répercute sur le prix de l’électricité, car le gaz naturel est souvent nécessaire pour produire de l’électricité.

Pourquoi le prix ne serait-il pas la moyenne des coûts de toutes les sources ? Il n’y a pas de prix par défaut ! Le prix est fixé par la demande et l’offre. Si la demande est supérieure à l’offre, quel que soit le coût d’extraction de l’or, toutes les pièces d’or vaudront beaucoup ! Idem pour l’électricité.

Quelles conséquences pour les fournisseurs ?

Certains fournisseurs font état de grosses difficultés liées aux conditions de prix exceptionnelles rencontrées sur le marché de l’énergie. Leurs coûts d’approvisionnement étant tellement élevés qu’ils ne permettent plus à certains fournisseurs alternatifs d’être rentables. Sauf si ils se sont couverts en achetant à l’avance et qu’ils n’ont donc pas besoin d’acheter sur le marché actuellement. Mais dans tous les cas, les fournisseurs réalisent moins de bénéfices que lorsque le prix de marché est bas. Certains même se mordent les doigts quand ils achètent juste avant une grosse baisse, comme cela avait été le cas lors du confinement…

Cela a déjà causé des dommages sur le marché. Au Royaume-Uni par exemple, au moins 4 fournisseurs ont fait faillite en septembre. En France, le fournisseur Leclerc Energies a annoncé qu’il cesserait ses activités le 15 octobre et qu’il recommandait à ses clients de trouver un autre fournisseur. Bulb a quant à lui envoyé un e-mail à ses clients français pour leur annoncer une augmentation de 20% des prix et leur recommander de changer de fournisseur.

Et pour éviter d’acquérir de nouveaux clients dans ce contexte trouble, certains repoussent même l’intégration des nouveaux clients à 2022. Concrètement, cela signifie qu’ils ne veulent pas de nouveaux clients, et qu’ils ne feront pas de mise en service avant le 1er mars 2022.

Au final, quand le prix de marché est élevé, c’est le producteur qui y gagne, car produire ne lui coûte pas plus cher, mais il vend beaucoup plus cher. Donc les fournisseurs qui ont des capacités de production comme EDF, Engie, Iberdrola par exemple, sont en pleine forme.

Quelles conséquences pour les consommateurs ?

D’après nos calculs, l’impact moyen sur 13 offres analysées (hors tarifs réglementés de vente) est de 77€, soit +4% sur le budget d’un ménage moyen chauffé à l’électricité.

Dans le détail :

  • Les offres de la plupart des gros fournisseurs alternatifs (TotalEnergies, Eni, Vattenfall, Planète Oui, Happ-e by Engie) ont une évolution similaire à celle des TRV et il n’y a pas d’augmentation de prix. Toutefois, nous savons que cela ne va pas durer et que certains de ces acteurs vont procéder à des hausses).
  • L’offre de marché la moins chère d’EDF connaît une très légère augmentation.
  • Chez certains fournisseurs alternatifs, les prix de leur offre la moins chère augmentent significativement (Cdiscount, Bulb, ekWateur, Engie, Sowee – d’EDF, Mega energie, Mint énergie), avec un impact de l’ordre de 4-5% sur le budget annuel d’un ménage moyen chauffé à l’électricité.
  • La hausse est très notable en particulier pour Mega energie et Mint énergie, avec un impact respectivement de 7 et 25% sur le budget annuel de ce ménage moyen !

L’état de ces chiffres ne reflète pas encore le niveau d’inquiétude prévalant chez les fournisseurs d’énergie. Beaucoup réfléchissent à une hausse de prix mais ne l’ont pas encore actée. Les augmentations risquent de se poursuivre dans les semaines à venir.

Une chance pour la planète ?

Les producteurs vont gagner beaucoup d’argent, qu’ils vont probablement investir dans plus de moyens de production, réduisant ainsi le risque de crises futures.

Aussi, il est de plus en plus rentable de construire de nouvelles sources de production d’énergie renouvelable (comme les champs solaires ou les éoliennes), même sans subventions. Une énergie chère est une bonne nouvelle pour la transition énergétique, et donc pour la planète !

De quoi est constitué le prix de l’électricité ?

L’électricité a longtemps été en France un monopole d’État et, à ce titre, il s’agissait d’une source de revenus très lucrative pour l’état. Avec la privatisation du marché de l’énergie dans les années 2000, le négoce de l’électricité (et des énergies en général) a vu fleurir de nombreuses taxes, qui sont toujours en vigueur aujourd’hui.

CSPE et TIFCE

La Contribution au service public de l’électricité instaurée en 2000 et la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité sont deux prélèvements fiscaux fusionnés en 2015. Ces taxes ont pour but d’aider les opérateurs à financer les surcoûts liés à la privatisation du négoce de l’énergie et à subventionner le développement des énergies renouvelables.

En 2016, le dispositif CSPE représentait en moyenne 16% d’une facture énergétique, une part fixe votée en 2015 avec une validité allant jusqu’à février 2022.

À partir de février 2022, la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) fixe la CSPE à son minimum légal européen, soit 1€/MWh pour les particuliers (et micro/autoentreprises) et 0,5/MWh pour les entreprises. Il s’agit d’une baisse significative qui permettra peut-être de tempérer l’augmentation du prix de l’électricité qui sévit depuis 2021.

La Contribution tarifaire d’acheminement (CTA) 

La CTA a été mise en place en 2004, toujours suite à la privatisation de la vente d’énergie. Elle vise à financer le régime de retraite des salariés de l’électricité et du gaz.

La CTA est calculée sur la part fixe des tarifs d’acheminement de l’électricité (TURPE), c’est un montant forfaitaire lié au type et à la puissance de l’abonnement.

Par ailleurs, elle intervient sur le réseau de transport de l’électricité (de la centrale au distributeur) ou sur le réseau de distribution de l’électricité (du distributeur su consommateur). La très vaste majorité des particuliers sont raccordés à un réseau de distribution et non de transport (très haute tension).

Les montants actuels sont de 10,11% pour les réseaux de transport et de 21,93% pour les réseaux de distribution.

La Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

Comme la plupart des échanges, l’achat de l’électricité est soumis à une TVA. Cette dernière est calculée sur le prix de l’électricité HT, mais également sur le montant des taxes elles-mêmes.

Ainsi, le taux de TVA sur La CTA est de 5,5%, tandis que le reste du prix de l’électricité est soumis à une TVA à 20%.

Lorsque les ajustements de la TVA sont votés, le prix de l’électricité peut alors varier sensiblement car le calcul est réalisé sur l’ensemble du prix de l’électricité et non pas sur un élément distinct comme pour les autres contributions.